Ses vins de Rioja et de Ribera del Duero étaient servis dans les restaurants les plus prestigieux d’Europe. Ses domaines viticoles étaient visités par des célébrités et des magnats internationaux, et sa fortune personnelle avait décuplé ces vingt dernières années. Mais tout ce succès semblait vain sans Amélia pour le partager. Elle était sa compagne depuis l’université, la seule à l’avoir connu lorsqu’il n’avait que des rêves et une petite parcelle de vigne héritée de son père.
Ils ont bâti l’empire ensemble, ont prévu d’avoir des enfants ensemble et ont rêvé de vieillir ensemble dans la maison de campagne qu’ils avaient rénovée de leurs propres mains.
« Puis-je vous resservir du vin, monsieur ? » demanda une voix douce en espagnol avec un accent catalan.
Gaël leva les yeux de son assiette et croisa le regard d’une jeune serveuse qu’il n’avait jamais vue. Mince, elle avait environ 23 ans, les cheveux bruns tirés en un chignon soigné et des traits délicats qui lui rappelaient vaguement quelqu’un, sans qu’il puisse se souvenir du nom. Elle portait l’uniforme noir du restaurant avec professionnalisme, mais quelque chose dans ses gestes laissait deviner qu’elle avait connu des jours meilleurs.
« Oui, je vous en prie », répondit Gaël en lui tendant son verre. « C’est un excellent Ribera del Duero. »
La jeune femme sourit en versant le vin rouge. « Ma mère disait toujours que les meilleurs vins racontent l’histoire de leur terroir. »
Quelque chose dans cette phrase incita Gaël à la regarder plus attentivement. Ce n’était pas le genre de remarque qu’il attendrait d’une jeune serveuse, mais plutôt celle d’une personne ayant une véritable connaissance du vin.
« Sa mère a bon goût », remarqua Gaël.
« Elle travaillait dans le secteur. » Le visage de la jeune femme s’assombrit légèrement. « Elle travaillait dans les vignobles quand elle était jeune, avant ma naissance. Elle me parlait toujours des vignes comme s’il s’agissait d’êtres vivants. »
Gaël hocha la tête, intrigué. Il y avait quelque chose de familier dans sa façon de parler du vin, une passion qu’il reconnaissait car il l’avait vue chez Amélia lors de leurs visites de vignobles dans leur jeunesse.